lundi 23 septembre 2013

#PrivésDeMG

"Et partout ça mitraille, 100 000 vérités. On jure, on clame, on braille, ça vient d'tous les côtés.
Radios et hauts-parleurs, des chaînes par milliers.
Et passent les rumeurs, promis craché juré, certifié, officiel" (C'est pas vrai, Jean-Jacques Goldman)


"Les jeunes médecins ne veulent plus s'installer..."
"Etudiants en médecine, si vous travaillez mal, vous finirez généralistes. Et si vous travaillez très mal, vous finirez généraliste dans la Creuse..."

Combien d'idées reçues, de fausses idées continueront à être colportées ? Combien de temps encore ?
Faudra-t-il attendre que tous les généralistes se soient découragés ?
Faut-il attendre d'être #PrivésDeMG pour enfin faire quelque chose ?

Je ne veux pas y croire.
Je ne veux pas rester sans rien faire.

Je ne suis pas le seul. Nous sommes une petite centaine aujourd'hui.
Nous ne réclamons pas d'être payé plus. Mais de pouvoir soigner mieux...
Nous avons des idées concrètes, mais le temps presse. Les voici :

Médecine générale :
dernier arrêt avant le désert

Comment sauver la médecine générale en France et assurer des soins primaires de qualité répartis sur tout le territoire ?
Marisol Touraine présente ce lundi sa Stratégie nationale de santé. Cet évènement constitue l'occasion de nous rappeler à son bon souvenir, rappel motivé par l'extraordinaire enthousiasme qui avait accompagné nos propositions (voir plus bas les 600 commentaires) dont aucune n'a été reprise par la Ministre.
Nos idées sont concrètes et réalistes pour assurer l'avenir de la médecine générale et au-delà, des soins primaires de demain.
Notre objectif est de concilier des soins de qualité, l’éthique de notre profession, et les impératifs budgétaires actuels.
Voici une synthèse de ces propositions.
Sortir du modèle centré sur l’Hôpital
Depuis des décennies, l’exercice de la médecine ambulatoire est marginalisé, privé d’enseignants, coupé des étudiants en médecine. La médecine hospitalière et salariée est devenue une norme pour les étudiants en médecine, conduisant les nouvelles promotions de diplômés à délaisser de plus en plus un exercice ambulatoire qu’ils n’ont jamais (ou si peu) rencontré pendant leurs études.
Cette anomalie explique en grande partie les difficultés actuelles. Si l’hôpital reste le lieu privilégié d’excellence, de recherche et de formation pour les soins hospitaliers, il ne peut revendiquer le monopole de la formation universitaire. La médecine générale, comme la médecine ambulatoire, doivent disposer d’unités de recherche et de formation universitaires spécifiques, là où nos métiers sont pratiqués, c'est-à-dire en ville et non à l’hôpital.
La formation universitaire actuelle, pratiquée quasi-exclusivement à l’hôpital, fabrique logiquement des hospitaliers. Pour sortir de ce cercle vicieux, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine.
Cette réforme aura un double effet :
Rendre ses lettres de noblesse à la médecine « de ville » et attirer les étudiants vers ce mode d’exercice. Nous ne pouvons reprocher aux étudiants en médecine de ne pas choisir une spécialité qu’ils ne connaissent pas.
-  Apporter des effectifs importants de médecins immédiatement opérationnels dans les zones sous-médicalisées.
Il n’est pas question dans ces propositions de mesures coercitives aussi injustes qu’inapplicables contraignant de jeunes médecins à s’installer dans des secteurs déterminés par une tutelle sanitaire.
Toute mesure visant à obliger les jeunes médecins généralistes à s’installer en zone déficitaire aura un effet repoussoir majeur. Elle ne fera qu’accentuer la désaffection pour la médecine générale, poussant les jeunes générations vers des offres salariées (nombreuses), voire vers un exercice à l’étranger.
Une véritable modernisation de la formation des médecins est nécessaire. Il s’agit d’un rattrapage accéléré d’opportunités manquées depuis 50 ans par méconnaissance de la réalité du terrain. Si la réforme Debré de 1958 a créé les CHU (Centres Hospitaliers et Universitaires), elle a négligé la création de pôles universitaires d’excellence, de recherche et de formation en médecine générale. Ces pôles existent dans d’autres pays, réputés pour la qualité et le coût modéré de leur système de soins.
Idées-forces
Les principales propositions des médecins généralistes blogueurs sont résumées ci-dessous. Elles sont applicables rapidement.
  • Enseignement de la Médecine Générale par des Médecins Généralistes, dès le début des études médicales
  • Construction par les collectivités locales ou les ARS de 1000 maisons de santé pluridisciplinaires qui deviennent aussi des maisons médicales de garde pour la permanence des soins, en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux.
  • Décentralisation universitaire qui rééquilibre la ville par rapport à l’hôpital :
Ces maisons de santé se voient attribuer un statut universitaire. Elles hébergent des externes, des internes et des chefs de clinique (3000 créations de postes). Elles deviennent des MUSt : Maisons Universitaires de Santé qui constituent l’équivalent du CHU pour la médecine de ville.
  • Attractivité de ces MUSt pour les médecins seniors qui acceptent de s’y installer et d’y enseigner :
Statut d’enseignant universitaire avec rémunération spécifique fondée sur une part salariée majoritaire et une part proportionnelle à l’activité.
  • Création d’un nouveau métier de la santé : “Agent de gestion et d’interfaçage de MUSt” (AGI).
Ces agents polyvalents assurent la gestion de la MUSt, les rapports avec les ARS et l’Université, la facturation des actes et les tiers payants. De façon générale, les AGI gèrent toute l’activité administrative liée à la MUSt et à son activité de soin. Ce métier est distinct de celui de la secrétaire médicale de la MUSt. Les nouveaux postes d’AGI pourraient être pourvus grâce au reclassement des visiteurs médicaux qui le souhaiteraient, après l’interdiction de cette activité. Ces personnels trouveraient là un emploi plus utile et plus prestigieux que leur actuelle activité commerciale. Il s’agirait d’une solution humainement responsable. Il ne s'agit en aucun cas de jeter l'opprobre sur les personnes exerçant cette profession.
  • Les « chèques-emploi médecin »
Une solution innovante complémentaire à la création du métier d’AGI pourrait résider dans la création de « chèques-emploi » financés à parts égales par les médecins volontaires et par les caisses.
Il s’agit d’un moyen de paiement simplifié de prestataires de services (AGI, secrétaires, personnel d’entretien). Il libérerait des tâches administratives les médecins isolés qui y passent un temps considérable, sans les contraindre à se transformer en employeur, statut qui repousse beaucoup de jeunes médecins.

Nos propositions et nos visions de l’avenir de la Médecine Générale, postées simultanément par l'ensemble des 86 participants, sur nos blogs et comptes Twitter, le 23 septembre 2013, sont des idées simples, réalistes et réalisables, et n'induisent pas de surcoût excessif pour les budgets sociaux.
L’ensemble des besoins de financement sur 15 ans ne dépasse pas ceux du Plan Cancer ou du Plan Alzheimer ; il nous semble que la démographie médicale est un objectif sanitaire d’une importance tout à fait comparable à celle de la lutte contre ces deux maladies.
Ce ne sont pas des augmentations d’honoraires que nous demandons, mais des réallocations de moyens et de ressources pour rendre son attractivité à l’exercice libéral.

Les participants à l'opération (Noms ou Pseudos Twitter) :

1.     Docteurmilie
2.     Dzb17
3.     Armance64
4.     Matt_Calafiore
5.     Docmam
6.     Bruitdessabots
7.     Ddupagne
8.     Souristine
9.     Yem
10.   Farfadoc
11.   SylvainASK
15.   DrKalee
16.   DrTib
17.   Gélule, MD
18.   DocAste
19.   DocBulle
21.   Dr Stephane
23.   Docteur_V
24.   Dr_Foulard
25.   Kalindéa
26.   DocShadok
27.   Dr_Tiben
29.   PerrucheG
30.   BaptouB
33.   MimiRyudo
35.   DrGuignol
36.   DrLebagage
38.   CaraGK
39.   DocArnica
40.   Jaddo
41.   Acudoc49
42.   AnSo1359
43.   DocEmma
45.   GrangeBlanche
47.   Borée
48.   10Lunes
50.   OpenBlueEyes
51.   nfkb
52.   Totomathon
53.   SophieSF
54.   SuperGélule
55.   BicheMKDE
56.   Knackie
57.   DocCapuche
58.   John Snow
59.   Babeth_Auxi
60.   Jax
61.   Zigmund
63.   DrNeurone
65.   YannSud
66.   Nounoups
68.   Boutonnologue
70.   Une pédiatre
71.   Heidi Nurse
72.   NBLorine
73.   Stockholm
74.   Qffwffq
75.   LullaSF
76.   DocteurBobo
77.   Martin Minos
78.   DocGamelle
79.   Dr Glop
80.   Ninou
82.   UrgenTic
83.   Tamimi2213
84.   Doc L
85.   DrLaeti
86.   LBeu




Les commentaires de soutien de décembre 2012
Comment ne pas être ébranlé par les centaines de commentaires enthousiastes de jeunes médecins, de professionnels de santé ou de patients face à nos propositions ? Pourquoi ne pas aider les jeunes médecins à la fois à réaliser leurs rêves et à se mettre efficacement au service de la santé des Français ?
Les propositions de réforme de la médecine générale des 24 médecins blogueurs ont reçu plus de 1000 signatures de soutien.

Vous pouvez retrouver une grande partie de ces commentaires sur le blog dédié à cet effet, à la suite de la copie du texte que vous venez de lire


Vous pouvez également nous suivre sur :
Twitter : @PrivesDeMG
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vendredi 20 septembre 2013

Médecin Généraliste : métier inutile ?

"Tourne la terre comme les hommes, à refaire encore les erreurs de nos pères. On mord toujours la même pomme, et le serpent danse alors que l'on s'enferme dans les erreurs d'hier" (J'accuse mon père, Mozart l'opéra Rock)


1958, en France, c'est l'année de la création des CHU (Centres Hospitalo Universitaires).
Une réforme d'envergure, sanctuarisant la médecine de spécialité.
Après 6 ans d'études, vous devenez médecin généraliste. Si vous continuez, si vous en avez les capacités intellectuelles, vous devenez alors médecin spécialiste au prix de quelques années d'études supplémentaires.

Le décor est planté.
Il y a les vrais médecins. Et les autres. Ceux qui ne seront que généralistes.
Peu importe s'ils sont ceux que les patients côtoient le plus souvent. Ils ne soignent rien d'important, ni d'intéressant de toute façon.
Aux généralistes la bobologie, et aux spécialistes la médecine noble.

La formation des médecins se passe à l'hôpital.
Les généralistes se forment... sur le dos des patients. Ils apprennent sur le tas. Et Dieu merci, les patients sont plutôt en bonne santé et résistants, alors ils supportent ce manque d'expérience.


"Je le savais, je le sentais, que tu n'étais pas l'homme de la situation" (L'homme de la situation, Amandine Bourgeois)

Les médecins généralistes ne sont pas très utiles finalement. Après tout ils n'avaient qu'à mieux travailler, c'est de leur faute. Faut donc pas s'étonner s'ils ne sont là que pour trier les patients.
Un problème cardiologique et le patient devra aller voir le cardiologue. Un problème dermatologique et le patient devra aller voir le dermatologue...
La médecine générale n'a pas de savoir propre. Elle n'est que la somme des savoirs des spécialités nobles. Quand un généraliste soigne un patient pour une hypertension, c'est qu'il a été formé par un cardiologue qui lui a appris comment faire pour soigner une poussée hypertensive au cours d'un stage hospitalier, au lit du malade, dans le service de cardiologie hyperspécialisé du CHU.

...
...

Mais alors, si je comprends bien, s'il n'y a pas de savoir propre à la médecine générale, pourquoi diable s'entêter à garder ce métier ?
Il suffit de mettre en face des patients un infectiologue lors des épidémies virales, un cardiologue pour les problèmes de cœur, un néphrologue pour les problèmes de rein...
Chacun d'entre eux ne se cantonnant qu'à son pré carré et renvoyant vers un confrère tout ce qui n'est pas de son domaine de compétence.

...
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"Fermati un istante parla chiaro come non hai fatto mai dimmi un po' chi sei" (Una storia importante, Eros Ramazotti)
(Arrête-toi un instant, parle-moi clairement comme jamais tu ne l'as fait. Dis-moi qui tu es)


2004 : Naissance de la Spécialité Médecine Générale au sein d'un DES (Diplôme d'Etudes Spécialisées).
Il n'y a donc plus désormais que des médecins spécialistes.
Mais ??
Mais ??
Pourquoi diable avoir donné un peu plus de poids à un métier qui n'est pas utile ?

Il semblerait qu'au fin fond de certains pays lointains et barbares, appelés pays scandinaves, les pouvoirs publics aient développé une médecine dite de soins primaires, dans laquelle on retrouve la médecine générale, et que dans ces contrées infâmes les indicateurs de santé de la population sont meilleurs que chez nous. 

Et en plus, ils consacrent moins d'argent que nous pour leur santé, ces fameux "points de PIB" dont l'actualité est friande. Ils dépensent moins et leur population est en meilleure santé.



Attendez, je la réécris au cas où vous auriez sauté une ligne :


Ils dépensent moins pour la santé et sont en meilleure santé.



Pas moins bien soignés. Non non ! Si vous devez vous faire opérer avec une chirurgie de pointe, vous l'êtes. Mais d'où viennent ces économies dans ce cas ?
Leur réseau, notamment de médecins généralistes, est mieux formé, mieux utilisé. Plus efficient pour utiliser le terme à la mode. Ils ont augmenté la recherche en médecine générale, faite par les médecins généralistes. Et les futurs généralistes sont formés eux-mêmes par des enseignants de médecine générale.

La recherche en médecine générale ?? Avouez, vous avez eu, l'espace d'un instant, une vision d'un gars en blouse blanche qui triture des tubes à essai et des boîtes de culture.
Oubliez cela tout de suite.

La recherche en médecine générale, c'est d'abord une recherche qui porte sur les patients en médecine générale.
Par exemple, la façon de soigner un patient diabétique à l'hôpital, où tout est contrôlé depuis le plateau repas jusqu'au traitement, peut-elle être la même qu'à domicile ?

Y a-t-il des façons de prévenir, dépister ou soigner qui marcheraient mieux en ville qu'à l'hôpital (là où sont faites toutes les recherches actuellement et qui servent de base pour recommander aux généralistes la façon de soigner les patients... en ville...)


"Mes frères tombaient l'un après l'autre devant mon regard, sous le poids des armes que possédaient tous ces barbares" (La tribu de Dana, Manau)


Ah ces pays barbares sous-développés. Ils ne savent sans doute pas que tout se joue toujours au sein d'un grand centre hospitalier. De la naissance à la mort et peu importe la pathologie.
Quoique... le nombre de lits étant ce qu'il est, il faut quand même reconnaître qu'avoir des travailleurs besogneux en ville pour faire les fameux petits bobos, ça aide.

Mais, vous qui lirez ces lignes, qu'en pensez-vous ?
Une étude a montré que lorsqu'un patient se rend chez son généraliste, il a au moins deux motifs de consultation (entendez, il vient au minimum, en moyenne, pour deux problèmes distincts qu'il souhaite aborder).

La SFMG fait annuellement un état des lieux des motifs de consultation (c'est-à-dire regarde pour quoi les patients viennent le plus souvent voir leur MG). Les cinq premiers motifs sont : 

1) Examens systématiques et de prévention
2) Etat fébrile (peu importe la cause)
3) Rhinopharyngite - Rhume
4) HTA
5) Hyperlipidémie

Heureusement, bien entendu, pour chacun de ces motifs, le médecin généraliste ne décide jamais seul et en réfère systématiquement à un confrère d'une autre spécialité.

Ou pas...

Et c'est souvent pas d'ailleurs.

Parce que le généraliste soigne 90% des HTA (HyperTension Artérielle) sans avoir "besoin" d'appeler un confrère cardiologue.
Par contre, c'est vrai, le cardiologue pose des stents, pas le généraliste.
Mais le cardiologue ne gère pas l'HTA, le problème de thyroïde, le diabète et l'insuffisance rénale au cours d'une même consultation. Ce n'est pas un reproche. Ce n'est juste pas son métier.
C'est le métier du généraliste ça.

Gérer tous les problèmes de santé aigüs ou chroniques au cours de la même consultation, mais je dis OUF !
HEUREUSEMENT que les généralistes sont les moins bons de tous les médecins. 
HEUREUSEMENT qu'ils ont moins réussi que les autres, sinon, imaginez, les pauvres, ils ne devraient se cantonner qu'à une seule partie des patients !


"Venez voir mourir le dernier sex-symbol. Venez voir, venez rire à la fin d'une idole" (Les adieux d'un sex-symbol, Starmania)


Le généraliste est le pivot du système de santé bla... bla... bla... le généraliste rôle central bla... bla... bla... le généraliste professionnel le plus apprécié de la population bla... bla... bla...

Se faire brosser dans le sens du poil n'a qu'un objectif : nous attendrir pour nous endormir.
La mort de notre métier est programmée dans l'indifférence la plus totale.

Pourtant, je ne fais pas de corporatisme. Je n'arrête pas de dire aux internes de médecine générale à qui je donne des cours que notre spécialité est une spécialité comme une autre. Pas meilleure, pas pire, mais une vraie spécialité.
J'attends juste le même respect et la même considération de la part des autres spécialités.

Et ce qui me rassure, c'est que nous, les généralistes entretenons d'excellents rapports avec les confrères des autres spécialités.
Mais il existe toujours un camp d'irréductibles post "cinquante-huitards" et ils sont majoritairement aux commandes et aux postes décisionnaires.


"Il suffira d'un signe, un matin. Un matin tout tranquille et serein. Quelque chose d'infime, c'est certain. C'est écrit dans nos livres en latin" (Il suffira d'un signe, Jean-Jacques Goldman)


Un lundi matin. Le 23 septembre 2013.

Par contre, si le signe est infime, il décevra. Et au-delà de décevoir, il suscitera une vague d'exaspération que je sens grandissante.

Dans l'un de mes tous premiers billets, j'avais paraphrasé (maladroitement) Alain Peyrefitte en disant : "Le jour où les généralistes s'éveilleront" le monde de la santé tremblera...
Ils s'éveillent. En finissent une fois pour toute avec leur complexe d'infériorité.