" 'Cause we’re only human. Oh yes we are, only human. If it’s our only excuse, do you think we’ll keep on being only human? Oh yes we are, only human, so far, so far" (Only human, Jason Mraz)
Il y a quelques jours, je lisais l'excellent billet de @docteurmilie ici .
Comme elle, j'aimerais pouvoir être parfait : toujours d'humeur égale, toujours souriant, toujours débordant d'énergie, toujours créatif.
J'aimerais aussi ne jamais râler ou ronchonner, ne jamais avoir de petits coups de blues, ne jamais avoir une crise de flemmingite aiguë.
Un médecin, ça se doit d'être parfait, tout le temps.
Un médecin a l'obligation de moyens, mais nous nous imposons, plus ou moins, une obligation de résultats.
J'aimerais tellement être tout le temps performant. Toujours savoir gérer mes patients de façon optimale.
Toujours être disponible, précis et clair quand je donne mes cours.
Bref, un monsieur zéro défaut.
Et pourtant, des défauts, j'en trimbale un sacré nombre. Plus ou moins gênants, plus ou moins encombrants, mais des défauts qui, je suppose, font de moi ce que je suis.
L'idéal serait peut-être d'avoir des défauts et ne pas s'en rendre compte pour donner l'illusion d'être parfait ?
Non, cela voudrait dire que l'on ne se connaîtrait pas suffisamment bien soi-même. J'ai déjà cité Socrate et son célèbre "Connais-toi toi-même". Je préfère me connaître, savoir à quoi je dois faire attention pour tenter de lisser ces aspérités.
D'un autre côté, les gens sans défaut, je n'en connais pas. Ou peu. Ou alors, je ne les connais pas assez pour savoir quels sont leurs défauts.
Parce que, il faut le reconnaître, quand on se rend compte que ceux que l'on côtoie et admire sont, eux-aussi, imparfaits, cela a quelque chose de rassurant. Une espèce de sensation de normalité qui nous envahit et nous fait dire que l'on n'est peut-être pas si mauvais en fin de compte.
"C'est ta chance, ta force, ta dissonance. Faudra remplacer tous les "pas de chance" par de l'intelligence. C'est ta chance, pas le choix. C'est ta chance, ta source, ta dissidence. Toujours prouver deux fois plus que les autres assoupis d'évidence, ta puissance naîtra là" (C'est ta chance, Jean-Jacques Goldman)
Ah, cette angoisse de performance, encore elle.
J'avais un maître de stage de médecine générale, au cours de mon internat, qui m'avait dit un jour une phrase qui m'avait choquée.
"Ton contrat de soins s'arrête au moment où tu honores ta part du contrat en prodiguant tes soins, et le patient la sienne en te règlant la consultation".
J'avais trouvé cela choquant parce que cela introduisait la notion de contrat, qui plus est, de contrat rémunéré.
Je ne suis pas certain de toujours réussir à m'appliquer cette notion.
J'ai du mal à clore un dossier difficile. J'entends par là, clore "psychologiquement".
Je ne compte plus les fois où je suis rentré énervé chez moi parce qu'un patient n'avait pas été pris en charge comme je l'aurais souhaité par un confrère, ou parce que je ne me suis pas estimé suffisamment bon dans ma prise en charge personnelle du patient. Et Pardon à ma petite femme qui m'accueille ces soirs là.
Quand il fait beau, et qu'il n'est pas trop tard (ce qui n'arrive pas très souvent, malheureusement), je mets les baskets et je file courir un peu dans la campagne mi-française mi-belge juste derrière chez moi. Je rentre un peu soulagé. Provisoirement, mais c'est toujours cela de pris.
Mais, je me sens bien souvent comme @Fluorette, dans son magnifique billet (ici).
Je n'arrive pas à tout chasser de mon esprit. Ce n'est pas facile. J'envie ceux qui ont un métier qui leur permet de ne plus y penser une fois franchie la porte de leur entreprise.
Je ne les envie que quelques secondes, parce que je sais que ce métier que j'ai choisi est celui qui me convient le mieux. Et je regretterais sans doute si je n'avais pas pu être médecin généraliste.
Alors, j'essaye de prendre sur moi, et de le montrer le moins possible à mon entourage. Pour qu'ils n'aient pas à subir les inconvénients de mon métier.
Mais ils me connaissent trop bien pour savoir décrypter mon visage et mes comportements et se rendre compte quand cela ne va pas.
Encore une fois, le mythe du mari et du père parfait restera un mythe.
Mais cela fait sûrement encore de moi celui que je suis.
En cette veille de Nouvelle Année, si je devais prendre une bonne résolution, ce serait sans doute d'apprendre à accepter les imperfections, et ne plus vouloir tout le temps les gommer.
Oui, si en 2013 j'y arrivais, ce serait parfait.
lundi 31 décembre 2012
dimanche 16 décembre 2012
Le voyageur imprudent
"Pour des histoires que j'aime bien, j'ai parfois pris du retard, mais c'est rien. J'irai jusqu'au bout du chemin et quand ce sera la nuit noire, je serai bien" (Oh! J'cours tout seul, William Sheller)
J'aime bien prendre mon temps.
Quand j'accomplis quelque chose, je me soucie rarement du temps que cela va réellement me prendre.
Il faut que je sois intéressé, voire passionné, et je perds complètement la notion du temps.
Sinon, je vais toujours me dire que cela peut attendre et remettre la chose au lendemain. Bricoler attendra demain par exemple, tellement j'adore cela...
Je peux passer des heures à travailler une partition, par exemple.
Ça ne me dérange pas. Enfin à l'instant t ça ne me dérange pas.
La suite est parfois un peu difficile.
Ma chère et tendre me fera remarquer que j'ai passé beaucoup de temps là-dessus. Temps que, du coup, par ma faute, je n'ai pas passé en famille.
Et elle aura parfaitement raison.
Par contre, si je ne travaille pas cette partition, elle ne se fera pas toute seule. Et la chorale ne pourra pas apprendre un nouveau chant. Du coup, le travail réalisé sera de moins bonne qualité. Et ce sera de ma faute.
Je me retrouve un peu dans la situation d'un de mes livres préférés, Le voyageur imprudent, de René Barjavel : faire cette partition me permet d'assumer ma fonction de chef de choeur, mais m'accapare quelques heures. Ne pas la faire me rend disponible, mais je n'assume plus mes fonctions.
Une échappatoire existe : arrêter cet engagement. Mais, là, c'est mon trépied qui en prend un coup, et je ne peux pas jouer l'équilibriste.
Bref, une situation sans réelle solution...
Heureusement, dans mon métier, c'est complètement différent. Quoique...
J'aime bien, quand je reçois un patient en consultation et que le motif est un peu compliqué, essayer de prendre le temps de penser à tout.
Même si je suis persuadé qu'on ne peut jamais penser à tout, j'aime me dire que j'ai dû faire correctement mon métier en tentant d'aller au bout des choses.
Sauf que, ça me prend, dans ces cas là un peu plus d'un quart d'heure (et que mon planning est rempli avec un rendez-vous tous les quart d'heure).
Alors, dans une journée "normale" les patients se compensent un peu : on passe un peu plus de temps avec un patient qui présente plusieurs pathologies, et un peu moins avec celui qui a une simple infection virale.
Dernièrement, mes patients ont eu une fâcheuse tendance à ne pas se compenser...
Du coup, je suis en retard. Régulièrement.
Je ne compte plus les fois où les patients me font des réflexions. Parfois, je les prends en souriant. Parfois, je ne réagis pas. Parfois, plus rarement, essentiellement quand je suis fatigué, je m'énerve et je remets les patients en place... voire leur propose de changer de médecin.
Je ne sais pas comment font les confrères qui arrivent à être toujours à l'heure. J'aimerais bien être à l'heure. Cela serait synonyme d'être à l'heure pour rentrer le soir chez moi aussi... J'aimerais bien. Je n'y arrive pas.
Car si je me fixe comme objectif d'être à l'heure, je vais devoir aller un peu moins au fond des choses. Et je ne serai pas satisfait. Je n'aurai pas l'impression de bien faire mon travail.
Mais si je le fais bien (ou ai l'impression de bien le faire) je risque le retard à coup sûr.
Voyageur imprudent
Il y aurait bien une solution. Alléger mon planning de rendez-vous. Recevoir moins de patients, mais plus longtemps.
J'essaye déjà de laisser quelques quarts d'heure vides dans mon planning, en prévision d'un retard à compenser.
Mais avec cette absurdité du paiement à l'acte actuel, je ne peux pas multiplier ces plages vides, cela serait synonyme de dépôt de bilan pour mon activité libérale...
J'ai espoir que ce point puisse changer... un jour... restons optimiste... Un peu plus de forfait, un peu moins de paiement à l'acte.
"These wounds won't seem to heal, this pain is just real, there's just so much that time cannot erase" (My immortal, Evanescence)
Comment réussir à concilier le tout ?
Comment satisfaire à tout, tout le monde, tout le temps ?
Je ne suis pas là pour plaire, mais pour soigner.
Facile à dire.
Ce soir il m'est plus difficile de l'entendre, et encore plus de me l'appliquer.
Etre hyperactif est trop synonyme d'obligation de performance parfois.
"Lucie, Lucie dépêche-toi, on ne vit, on ne meurt qu'une fois" (Lucie, Pascal Obispo)
J'aimerais prendre mon temps pour ça aussi.
Mais là, pour le coup, je sais que la partie est perdue d'avance, même si j'espère que la partie sera longue.
Là, je veux bien être en retard. Très en retard même.
J'aime bien prendre mon temps.
Quand j'accomplis quelque chose, je me soucie rarement du temps que cela va réellement me prendre.
Il faut que je sois intéressé, voire passionné, et je perds complètement la notion du temps.
Sinon, je vais toujours me dire que cela peut attendre et remettre la chose au lendemain. Bricoler attendra demain par exemple, tellement j'adore cela...
Je peux passer des heures à travailler une partition, par exemple.
Ça ne me dérange pas. Enfin à l'instant t ça ne me dérange pas.
La suite est parfois un peu difficile.
Ma chère et tendre me fera remarquer que j'ai passé beaucoup de temps là-dessus. Temps que, du coup, par ma faute, je n'ai pas passé en famille.
Et elle aura parfaitement raison.
Par contre, si je ne travaille pas cette partition, elle ne se fera pas toute seule. Et la chorale ne pourra pas apprendre un nouveau chant. Du coup, le travail réalisé sera de moins bonne qualité. Et ce sera de ma faute.
Je me retrouve un peu dans la situation d'un de mes livres préférés, Le voyageur imprudent, de René Barjavel : faire cette partition me permet d'assumer ma fonction de chef de choeur, mais m'accapare quelques heures. Ne pas la faire me rend disponible, mais je n'assume plus mes fonctions.
Une échappatoire existe : arrêter cet engagement. Mais, là, c'est mon trépied qui en prend un coup, et je ne peux pas jouer l'équilibriste.
Bref, une situation sans réelle solution...
Heureusement, dans mon métier, c'est complètement différent. Quoique...
J'aime bien, quand je reçois un patient en consultation et que le motif est un peu compliqué, essayer de prendre le temps de penser à tout.
Même si je suis persuadé qu'on ne peut jamais penser à tout, j'aime me dire que j'ai dû faire correctement mon métier en tentant d'aller au bout des choses.
Sauf que, ça me prend, dans ces cas là un peu plus d'un quart d'heure (et que mon planning est rempli avec un rendez-vous tous les quart d'heure).
Alors, dans une journée "normale" les patients se compensent un peu : on passe un peu plus de temps avec un patient qui présente plusieurs pathologies, et un peu moins avec celui qui a une simple infection virale.
Dernièrement, mes patients ont eu une fâcheuse tendance à ne pas se compenser...
Du coup, je suis en retard. Régulièrement.
Je ne compte plus les fois où les patients me font des réflexions. Parfois, je les prends en souriant. Parfois, je ne réagis pas. Parfois, plus rarement, essentiellement quand je suis fatigué, je m'énerve et je remets les patients en place... voire leur propose de changer de médecin.
Je ne sais pas comment font les confrères qui arrivent à être toujours à l'heure. J'aimerais bien être à l'heure. Cela serait synonyme d'être à l'heure pour rentrer le soir chez moi aussi... J'aimerais bien. Je n'y arrive pas.
Car si je me fixe comme objectif d'être à l'heure, je vais devoir aller un peu moins au fond des choses. Et je ne serai pas satisfait. Je n'aurai pas l'impression de bien faire mon travail.
Mais si je le fais bien (ou ai l'impression de bien le faire) je risque le retard à coup sûr.
Voyageur imprudent
Il y aurait bien une solution. Alléger mon planning de rendez-vous. Recevoir moins de patients, mais plus longtemps.
J'essaye déjà de laisser quelques quarts d'heure vides dans mon planning, en prévision d'un retard à compenser.
Mais avec cette absurdité du paiement à l'acte actuel, je ne peux pas multiplier ces plages vides, cela serait synonyme de dépôt de bilan pour mon activité libérale...
J'ai espoir que ce point puisse changer... un jour... restons optimiste... Un peu plus de forfait, un peu moins de paiement à l'acte.
"These wounds won't seem to heal, this pain is just real, there's just so much that time cannot erase" (My immortal, Evanescence)
Comment réussir à concilier le tout ?
Comment satisfaire à tout, tout le monde, tout le temps ?
Je ne suis pas là pour plaire, mais pour soigner.
Facile à dire.
Ce soir il m'est plus difficile de l'entendre, et encore plus de me l'appliquer.
Etre hyperactif est trop synonyme d'obligation de performance parfois.
"Lucie, Lucie dépêche-toi, on ne vit, on ne meurt qu'une fois" (Lucie, Pascal Obispo)
J'aimerais prendre mon temps pour ça aussi.
Mais là, pour le coup, je sais que la partie est perdue d'avance, même si j'espère que la partie sera longue.
Là, je veux bien être en retard. Très en retard même.
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