mercredi 23 septembre 2015

Catalyseur

"Tell me love isn't true, it's just something that we do. Tell me everything I'm not, but please don't tell me to stop" (Tell me, Madonna)
(Dis-moi que l'amour n'est pas réel, que ce n'est qu'une chose que nous faisons. Dis-moi tout ce que je ne suis pas, mais s'il te plaît, ne me dis pas d'arrêter)

Je suis actuellement en train de suivre des cours obligatoires dans le cadre du Master 2. A des années lumières de mon activité de généraliste ou même de mon activité universitaire de généraliste...
Mais c'est obligatoire...

Il y a eu au moins une bonne surprise (enfin, je pense que moi j'ai dû trouver ça intéressant mais ce n'était pas forcément le cas de tout le monde). Un cours dont le titre n'était pas glamour et sexy : "Epistémologie - Histoire des sciences".
Et nous avons parlé de liberté, de science, de vérité, de déterminisme.

Là, en théorie, j'ai au moins la moitié des lecteurs qui doivent se dire qu'il va leur falloir un peu de café pour faire passer le mal de crâne que je leur inflige. Tenez bon, c'est passionnant, et je vais tâcher d'être clair et concis. Faites-vous un bon café si vous aimez cela et apportez-en moi un s'il vous plaît, et lisez tranquillement la suite.

Un des messages de ce cours était de dire que la science tente de comprendre le fonctionnement de la nature par le biais d'expériences diverses et variées.
Chaque expérience engendre des mesures qui, par définition, déforment la réalité.
Par exemple : le temps. On peut mesurer en différentes unités : heures, minutes, secondes, millisecondes... Mais entre deux unités, entre deux millisecondes, finalement, il y a énormément de choses, mais nous n'avons pas d'appareil de mesure suffisamment puissant pour le mesurer à la perfection.
Donc toute recherche inclut une certaine part de déformation de la réalité. Ce qui rejoint une discussion récente sur Twitter : la médecine évolue, se remet en question, et déclare inutile ce qu'elle considérait comme un dogme auparavant.
On ne soigne plus avec des sangsues tout et n'importe quoi, alors qu'avant c'était la règle.

Tout le danger de la science, de la recherche et à fortiori de la recherche médicale, est de considérer comme vérité incontournable les découvertes.

La base de la recherche est de chercher donc à comprendre le fonctionnement du monde qui nous entoure.
Donc, de chercher à prédire la réaction de ce monde pour pouvoir mieux le contrôler.
Mais si on peut prédire le fonctionnement du monde, ou la réaction des éléments de ce monde, c'est que tout est écrit "d'avance" ?
Si on prend une voiture qui est propulsée à une vitesse connue, si on tient compte de son poids, de la résistance au sol, à l'air et de tous les facteurs influençant, on pourra prédire au centimètre près l'endroit où elle s'arrêtera.

Alors pour les machines, c'est une choses. Mais pour les êtres vivants ?
Les médicaments entraînent des effets sur le corps humain. Prévus. Prédictibles de manière générale.

Nous sommes alors aussi prévisibles que les machines ? Notre avenir complet serait déterminé à l'avance ?
Du coup, chaque acte de notre vie pourrait être prévisible, à partir du moment où tous les facteurs influençant seraient connus ?
Mais où est notre liberté ? Si tout est écrit d'avance, nous ne sommes que des marionnettes qui obéissons à notre code génétique ou tout autre chose qui fait de nous ce que nous sommes ?

Etre libre serait donc le plus gros mensonge existant puisqu'être libre serait uniquement le fait d'ignorer que tout est déterminé, écrit ?

J'ai vraiment besoin d'un café...

"Toi plus moi plus eux plus tous ceux qui le veulent, plus lui plus elle et tous ceux qui sont seuls. Allez, venez et entrez dans la danse, allez, venez et laissez faire l'insouciance" (Toi plus moi, Grégoire)

Jury de thèse, la même semaine. Thèse portant sur le burn out chez les médecins généraliste, ou plus précisément leurs représentations du burn out.
Travail très intéressant et méthodologiquement impeccable. Mon rôle de membre du jury est plus facile quand le travail est bon.
Un des autres membres du jury, Professeur de psychiatrie, a parlé de co-construction.
Pour lui (enfin, pas que lui, bien sûr, c'est une pensée courante) l'être humain est par définition co-construit.
Nous nous enrichissons du contact des autres. Nous devenons un peu plus nous à force d'être avec les autres.
Ce qui explique que les personnes âgées qui voient peu de monde se laissent plus facilement dépérir (le syndrome de glissement si j'utilise le jargon médical). Ce qui explique les études ayant trouvé que pour vivre plus vieux, il vaut mieux avoir un tissu social important, plutôt que de vivre en ermite.

Mais si nous devenons "nous" avec des morceaux qui ne sont pas de nous (ce que nous apportent nos rencontres), restons-nous vraiment nous ?
Si j'ai envie de choisir un nouveau loisir parce que quelqu'un m'en a parlé : j'ai vraiment envie de le faire, ou je n'ai juste aucune espèce d'originalité et suis juste un copieur ?
Si un ami me conseille des morceaux de musique que je ne connais pas mais que je me mets à aimer : je les aime vraiment, ou j'aime ce qu'ils représentent et l'amitié à travers eux ?
Si j'aime une activité à un moment donné, elle participe à ma construction. Mais si je ne la pratique plus, elle m'a construit mais ne me construit plus ? Comme la trilogie de "Retour vers le futur" que j'ai adorée mais ne regarde plus du tout... je ne l'aime plus ?

"Je vis de notes et je vis de lumière, je virevolte à vos cris, vos mains. La vie m'emporte au creux de tous ses mystères, je vois dans vos yeux mes lendemains" (Destin, Céline Dion)

Si je chope celui qui m'a déterminé à aimer le café, à me poser des milliards de questions en permanence, à être un tantinet hyperactif, à ne pas savoir attendre le soir avant de débarrasser la table, à être parfois souvent d'humeur ronchonne, à avoir un humour et des goûts musicaux particuliers... 

Remarquez, je serais encore capable de me co-construire à son contact... (Et vu les goûts musicaux de mes parents, je pense que j'ai trouvé les responsables...)

Ou alors, nos contacts, nos activités, ne sont que des catalyseurs qui nous permettent de nous atteindre et nous connaître nous mêmes ?
Un catalyseur, c'est un élément qui participe à une réaction ou un évènement en accélérant sa réalisation, mais en ressort parfaitement intact.

J'aime l'idée de me dire que ceux que je côtoie sont des catalyseurs qui m'aident à être moi. J'aime l'idée de cette co-construction, couplée à l'idée qu'ils ressortent parfaitement intacts de leur contact avec moi.
Sinon, je vais culpabiliser pour la musique, les questions... et l'amour du café, que je n'ai toujours pas bu...

1 commentaire:

  1. Très bon =)
    Moi aussi, je dois être un des rares à aimer l'histoire des sciences, l'épistémologie tout ça.

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