"Tell me
love isn't true, it's just something that we do. Tell me everything I'm
not, but please don't tell me to stop" (Tell me, Madonna)
(Dis-moi que l'amour n'est pas réel, que ce n'est qu'une
chose que nous faisons. Dis-moi tout ce que je ne suis pas, mais s'il te plaît,
ne me dis pas d'arrêter)
Je suis
actuellement en train de suivre des cours obligatoires dans le cadre du Master
2. A des années lumières de mon activité de généraliste ou même de mon activité
universitaire de généraliste...
Mais
c'est obligatoire...
Il y a
eu au moins une bonne surprise (enfin, je pense que moi j'ai dû trouver ça
intéressant mais ce n'était pas forcément le cas de tout le monde). Un cours
dont le titre n'était pas glamour et sexy : "Epistémologie - Histoire des
sciences".
Et nous
avons parlé de liberté, de science, de vérité, de déterminisme.
Là, en
théorie, j'ai au moins la moitié des lecteurs qui doivent se dire qu'il va leur
falloir un peu de café pour faire passer le mal de crâne que je leur inflige.
Tenez bon, c'est passionnant, et je vais tâcher d'être clair et concis. Faites-vous un bon
café si vous aimez cela et
apportez-en moi un s'il vous plaît, et lisez tranquillement la suite.
Un des
messages de ce cours était de dire que la science tente de comprendre le
fonctionnement de la nature par le biais d'expériences diverses et variées.
Chaque
expérience engendre des mesures qui, par définition, déforment la réalité.
Par
exemple : le temps. On peut mesurer en différentes unités : heures, minutes,
secondes, millisecondes... Mais entre deux unités, entre deux millisecondes,
finalement, il y a énormément de choses, mais nous n'avons pas d'appareil de
mesure suffisamment puissant pour le mesurer à la perfection.
Donc
toute recherche inclut une certaine part de déformation de la réalité. Ce qui
rejoint une discussion récente sur Twitter : la médecine évolue, se remet en
question, et déclare inutile ce qu'elle considérait comme un dogme auparavant.
On ne
soigne plus avec des sangsues tout et n'importe quoi, alors qu'avant c'était la
règle.
Tout le
danger de la science, de la recherche et à fortiori de la recherche médicale,
est de considérer comme vérité incontournable les découvertes.
La base
de la recherche est de chercher donc à comprendre le fonctionnement du monde
qui nous entoure.
Donc,
de chercher à prédire la réaction de ce monde pour pouvoir mieux le contrôler.
Mais si
on peut prédire le fonctionnement du monde, ou la réaction des éléments de ce
monde, c'est que tout est écrit "d'avance" ?
Si on
prend une voiture qui est propulsée à une vitesse connue, si on tient compte de
son poids, de la résistance au sol, à l'air et de tous les facteurs influençant,
on pourra prédire au centimètre près l'endroit où elle s'arrêtera.
Alors
pour les machines, c'est une choses. Mais pour les êtres vivants ?
Les
médicaments entraînent des effets sur le corps humain. Prévus. Prédictibles de
manière générale.
Nous
sommes alors aussi prévisibles que les machines ? Notre avenir complet serait
déterminé à l'avance ?
Du
coup, chaque acte de notre vie pourrait être prévisible, à partir du moment où
tous les facteurs influençant seraient connus ?
Mais où
est notre liberté ? Si tout est écrit d'avance, nous ne sommes que des
marionnettes qui obéissons à notre code génétique ou tout autre chose qui fait
de nous ce que nous sommes ?
Etre
libre serait donc le plus gros mensonge existant puisqu'être libre serait
uniquement le fait d'ignorer que tout est déterminé, écrit ?
"Toi plus moi plus eux plus tous
ceux qui le veulent, plus lui plus elle et tous ceux qui sont
seuls. Allez, venez et entrez dans la danse, allez, venez et laissez faire
l'insouciance" (Toi plus moi, Grégoire)
Jury de
thèse, la même semaine. Thèse portant sur le burn out chez les médecins
généraliste, ou plus précisément leurs représentations du burn out.
Travail
très intéressant et méthodologiquement impeccable. Mon rôle de membre du jury
est plus facile quand le travail est bon.
Un des
autres membres du jury, Professeur de psychiatrie, a parlé de co-construction.
Pour
lui (enfin, pas que lui, bien sûr, c'est une pensée courante) l'être humain est
par définition co-construit.
Nous
nous enrichissons du contact des autres. Nous devenons un peu plus nous à force
d'être avec les autres.
Ce qui
explique que les personnes âgées qui voient peu de monde se laissent plus
facilement dépérir (le syndrome de glissement si j'utilise le jargon médical).
Ce qui explique les études ayant trouvé que pour vivre plus vieux, il vaut
mieux avoir un tissu social important, plutôt que de vivre en ermite.
Mais si
nous devenons "nous" avec des morceaux qui ne sont pas de nous (ce
que nous apportent nos rencontres), restons-nous vraiment nous ?
Si j'ai
envie de choisir un nouveau loisir parce que quelqu'un m'en a parlé : j'ai
vraiment envie de le faire, ou je n'ai juste aucune espèce d'originalité et
suis juste un copieur ?
Si un
ami me conseille des morceaux de musique que je ne connais pas mais que je me
mets à aimer : je les aime vraiment, ou j'aime ce qu'ils représentent et
l'amitié à travers eux ?
Si
j'aime une activité à un moment donné, elle participe à ma construction. Mais
si je ne la pratique plus, elle m'a construit mais ne me construit plus ? Comme
la trilogie de "Retour vers le futur" que j'ai adorée mais ne regarde
plus du tout... je ne l'aime plus ?
"Je vis de notes et je vis de
lumière, je virevolte à vos cris, vos mains. La vie m'emporte au creux de
tous ses mystères, je vois dans vos yeux mes lendemains" (Destin, Céline
Dion)
Si je
chope celui qui m'a déterminé à aimer le café, à me poser des milliards de
questions en permanence, à être un tantinet hyperactif, à ne pas savoir
attendre le soir avant de débarrasser la table, à être parfois souvent d'humeur ronchonne, à avoir un
humour et des goûts musicaux particuliers...
Remarquez,
je serais encore capable de me co-construire à son contact... (Et vu les goûts
musicaux de mes parents, je pense que j'ai trouvé les responsables...)
Ou
alors, nos contacts, nos activités, ne sont que des catalyseurs qui nous
permettent de nous atteindre et nous connaître nous mêmes ?
Un
catalyseur, c'est un élément qui participe à une réaction ou un évènement en
accélérant sa réalisation, mais en ressort parfaitement intact.
J'aime
l'idée de me dire que ceux que je côtoie sont des catalyseurs qui m'aident à
être moi. J'aime l'idée de cette co-construction, couplée à l'idée qu'ils
ressortent parfaitement intacts de leur contact avec moi.
Sinon,
je vais culpabiliser pour la musique, les questions... et l'amour du café, que
je n'ai toujours pas bu...
Très bon =)
RépondreSupprimerMoi aussi, je dois être un des rares à aimer l'histoire des sciences, l'épistémologie tout ça.