"I bought you drinks, I brought you flowers. I read your books
and talked for hours. Every day so many drinks, such pretty flowers,
so tell me : what have I, what have I, what have I done to deserve this ?"
(What have I done to deserve this, Pet shop boys)
(Je t'ai payé
des verres, acheté des fleurs. J'ai lu tes livres et parlé des heures. Tous les
jours, tant de verres et de si jolies fleurs, alors dis-moi : qu'ai-je fait
pour mériter cela ?)
"Il a
travaillé toute sa vie docteur. Et il est mort comme ça, d'un coup. Il était en
pleine forme et c'est arrivé d'un coup. Il ne méritait pas cela"
Qui le
mériterait ?
Personne, bien
entendu. Personne ne mérite, au sens péjoratif de "tu n'as que ce que tu
mérites", de mourir. Encore moins quand le décès est brutal.
Tout comme quand
on pose un diagnostic grave chez un patient jeune. On lui fait entrevoir d'un
coup, plus ou moins violemment, qu'il n'est pas immortel. Qu'il va devoir se
battre de toutes ses forces.
Et s'il gagne ce
combat, il aura mérité sa survie ?
Parce que ceux
qui le perdent ne le méritaient pas ?
Je n'aime pas
cette notion de mérite face à la mort. Elle introduit forcément une notion de
valeur alors que la vie est comme ça. C'est un apprentissage permanent.
Nous faisons des
choix, certains sont de nature a améliorer notre vie présente ou future.
D'autres peuvent entraîner tout l'inverse.
Pas de fatalité.
Juste un choix.
Le patient qui
choisit de fumer, c'est son choix. Sera-t-il forcément atteint d'un cancer
pulmonaire ensuite ? Je n'en sais rien. L'aura-t-il mérité ? Je ne le crois
pas.
Oui, il aura eu
des conduites qui l'auront amené à prendre un risque important. Oui, nous
sommes là, les soignants, pour aider et accompagner ceux qui font le choix
d'arrêter de prendre ce risque. Ce n'est parfois pas facile, mais ces patients-là ont le mérite d'essayer... et d'y arriver.
Ils ont du
mérite ? Mais s'ils développent un cancer du poumon "quand même", ils
auront du mérite, sans mériter cette maladie, ou en la méritant un peu quand
même ?
"You live, you learn. You love, you
learn. You cry, you learn. You lose, you learn. You bleed, you
learn. You scream, you learn" (You learn, Alanis Morissette)
(En vivant, tu
apprends. En aimant, tu apprends. En pleurant, tu apprends. En perdant, tu
apprends. En saignant, tu apprends. En criant, tu apprends)
Donc, nous
vivons. Nous apprenons à vivre, et l'ardeur que nous mettons dans cet
apprentissage nous fait mériter ce que nous obtenons de notre vivant ?
"De toute
manière, toi, t'es médecin, t'es blindé de fric"
Le fameux
#LesMédecinsCesNantis de Twitter.
Les médecins
généralistes (dont je fais partie), ne sont pas à plaindre dans l'échelle des
revenus de la société. Bien entendu, si vous comparez le revenu moyen d'un
généraliste à celui d'un individu gagnant le SMIC, il n'y a pas l'ombre d'un
doute possible.
Du coup,
parfois, et je suis persuadé que ce point précis est typiquement français, j'en
arriverais presque à éprouver une forme de culpabilité, ou de gêne vis-à-vis de
mon niveau de vie.
Dans ces
moments-là, exit les neuf années d'études, exit le fait d'avoir été boursier
(donc de ne pas avoir eu assez de revenus pendant mes études pour que l'Etat
décide de m'en donner un peu), exit les gardes de nuit, les petits boulots en
plus des études pour arrondir les fins de mois...
Dans ces
moments-là, j'oublie que si j'en suis là, c'est que je le mérite peut-être un
peu. Que "toute peine mérite salaire".
Et quand j'en ai
un peu assez qu'on puisse me le reprocher, plus ou moins gentiment, plus ou
moins sur le ton de la plaisanterie, je m'amuse à répondre, plus ou moins
gentiment, plus ou moins sur le ton de la plaisanterie aussi : "Le
concours de première année est ouvert à tous, sans limite d'âge. Tu veux que je
te prenne un dossier d'inscription ?"
Travailler pour
mériter ce que l'on obtient, c'est gratifiant. La fierté de ce dire que tout
cela, on ne le doit qu'à soi-même. Etre le propre produit de son mérite.
Mais alors, ceux
qui ne vivent pas la même réussite, c'est qu'ils n'ont pas fait ce qu'il
fallait pour la mériter ?
Et ceux qui
travaillent dur, mais ne connaissent pas le succès, ont-ils des raisons de
démériter ?
J'ai repris des
études cette année pour "mériter" dans quelques années un poste
universitaire. Je me replonge dans les cours, dans les statistiques, je révise,
je fais des exercices. Nous avons eu cette semaine un contrôle continu, certes
plus difficile que les années précédentes, et que je n'ai pas vraiment réussi.
Donc, si je ne
l'ai pas réussi, c'est que je ne méritais pas de réussir ? Donc travailler,
parfois beaucoup, parfois intensément, ne suffit pas au mérite ?
Alors, qu'est-ce
qu'on mérite, vraiment ?
"Un début
de janvier, si j'ai bien su compter. Reste de fête ou bien vœux très
appuyés. De Ruth ou de Moïshé, lequel a eu l'idée ? Qu'importe si
j'ai gagné la course, et parmi des milliers. Nous avons tous été
vainqueurs même le dernier des derniers, une fois au moins les meilleurs, nous
qui sommes nés" (Bonne idée, Jean-Jacques Goldman)
Des milliers ?
Des millions, non ?
Cette moitié de
nous est bien arrivée première aux portes de l'ovule, non ?
S'il y a un truc
sur Terre, que nous méritons tous alors, c'est d'avoir gagné cette fameuse
course, et d'avoir voulu, déjà à l'échelle microscopique, se battre pour
mériter notre venue, malgré tout ce qui rend celle-ci parfois si difficile,
voire impossible.
Mais ceux qui
n'arrivent pas à être parents, l'ont-ils mérité ?
J'ai finalement
beaucoup de mal avec le "mérite-sanction" divine. J'aime mieux le
concept de "mérite-accomplissement de soi".
Demain, les
zèbres vont rentrer de leur semaine de vacances chez les grands-parents, au
grand air jurassien. Ils se sont bien amusés visiblement.
Ils ont
d'excellents résultats scolaires, mais travaillent beaucoup pour les obtenir.
Quand ils
arriveront demain, une surprise les attendra...
Ils le méritent.
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