samedi 2 août 2014

Le pied dans l'ouverture de la porte

"Don't give up, 'cause you have friends. Don't give up, you're not the only one. Don't give up, no reason to be ashamed. Don't give up, you still have us. Don't give up now, we're proud of who you are. Don't give up, you know it's never been easy" (Don't give up, Peter Gabriel et Kate Bush)
 (N'abandonne pas, car tu as des amis. N'abandonne pas, tu n'es pas le seul. N'abandonne pas, tu n'as pas à avoir honte. N'abandonne pas, tu nous as toujours. N'abandonne pas, nous sommes fier de toi. N'abandonne pas, tu sais que cela n'a jamais été facile)

Comme régulièrement ces temps-ci Une fois n'est pas coutume, j'ai envie de râler un peu.
Pas contre le système, pas contre les politiques, pas contre les patients.
Contre nous. Oui, nous. Les Médecins Généralistes.
Et plus précisément certains présents sur Twitter, même s'ils sont des amis proches.

La situation de la profession n'est pas rose, loin de là. Toutes les études le montrent.
Les pouvoirs publics semblent parfois embourbés dans des réformes qu'ils ont du mal à appliquer, et qui se soldent trop souvent par de nouvelles contraintes.

Certains collègues ont déjà abandonné. Je n'ai pas envie de les rejoindre sur ce terrain.
Mes engagements m'amènent à avoir des réunions auprès de nos Ministres de tutelle (ou parce que pour simplifier la chose, nous avons un Ministère qui gère la santé, et un autre qui gère la façon dont la médecine est enseignée pour pouvoir ensuite entrer dans le monde de la santé).
Jusqu'à présent il était habituel de voir l'un et l'autre se renvoyer la balle, avec le refrain facile du "ah mais ce point précis ne dépend pas de moi..." et la partie de ping-pong qui aboutit bien souvent à ne jamais prendre de décision.

Je ne souhaite pas ici rentrer dans des considérations politiciennes, ce n'est pas mon but, et je ne souhaite pas que ces propos puissent être récupérés comme cela.
Je note juste qu'à ne jamais perdre espoir de voir les deux Ministères discuter ensemble, le même jour, au même endroit, avec les représentants des MG futurs, présents et enseignants, cette rencontre a fini par voir le jour.
Tout ce qui y a été dit s'annonce prometteur, et signe d'une éclaircie dans un ciel sombre jusqu'ici.
Je ne suis pas dupe, il faudra passer de la parole aux actes, mais nous sommes plusieurs à avoir entendu ce discours et veillerons, j'en suis sûr, à le voir se concrétiser.

Eternel optimiste je suis. Eternel optimiste je veux rester...

Mais c'est un sentiment loin d'être partagé par mes collègues.
Je ne peux nier que certains aient été échaudés. Je ne peux nier qu'ils essaient juste amicalement de me mettre en garde.

"J'veux juste aller mal et y'a pas d'mal à ça, traîner, manger que dalle, écouter Barbara" (Non, non, non (écouter Barbara), Camélia Jordana)

C'est l'impression que j'ai.
"Nous allons mal, et rien de changera jamais. Fin de la discussion"
Ca sert à quoi alors, de chercher à faire bouger les lignes ?
Si je m'étais cantonné à cela, je n'aurais pas cherché à établir un dialogue au sein de ma faculté de médecine, avec les plus hauts dirigeants.
On me disait que ce n'était pas la peine. Pire, c'était peine perdue.
Je n'ai jamais trouvé porte close pourtant.
J'ai défendu mes positions, nous avons trouvé des terrains d'entente.
Tout n'est pas devenu rose du jour au lendemain, mais il y a quelques éclaircies dans un ciel qui était annoncé comme "gris sans espoir".

"J'ai bien fait des pieds et des mains pour éviter qu'au petit matin, sans exception depuis des mois tu ne te lèves de ce pied-là" (Des pieds et des mains, Lynda Lemay)

J'ai récemment participé à l'enregistrement du Magazine de la Santé.
Outre le fait de voir le sourire de mes zèbres quand leur père était à l'écran, outre le plaisir sincère et enthousiaste que j'ai pris à y participer, outre le stress qui était le mien de découvrir des questions auxquelles je ne m'attendais pas du tout, je garde un excellent souvenir de cette expérience.

J'y suis allé en tant que médecin généraliste pour répondre à des questions de médecine générale.
Alors, oui, le médecin généraliste ne fait pas que des petits bobos dans sa vie, et je suis le premier à le dire.
Mais Rome ne s'est pas faite en un jour.
Il nous faut construire petit à petit notre présence et nous faire reconnaître pour ce que nous sommes : des professionnels des soins primaires, compétents dans beaucoup de domaines.
Nous n'avons pas à rougir de ce que nous sommes, ni à nous cantonner à une simple spécialité d'exercice.

Mais je refuse que nous fassions la fine bouche, partout, tout le temps, pour tout.
Je refuse qu'on n'aille pas répondre à des questions sur "que faire avant de partir en vacances", sous prétexte que "ce n'est pas assez noble pour nous".
Un pas à la fois.
Nous gagnons et gagnerons nos lettres de noblesse.
Nous parlerons un jour des choses à faire avant de partir en vacances. Et de tout le reste.
Mettons le pied pour coincer la porte entrouverte, et ne jamais la laisser se refermer.

5 commentaires:

  1. Ton abnégation et ton optimisme forcent le respect. Je t'admire. Bravo.

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  2. Mon héros <3 Au fait, quand tu verras Marisol, tu lui feras une bise de ma part ? ;-)

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  3. Bonjour,
    Je comprends ton irritation. C'est dur d'avoir l'impression d'être critiqué quand on essaye de faire bouger les lignes. J'ai ressenti cela de la part de beaucoup de MG universitaires, tellement occupés à se faire violer par l'industrie pharma pour avoir un congrès "comme les grands" ou pour faire survivre une revue pourrie, qu'ils en oubliaient le fondement de leur mission et me reprochaient mes engagements.

    Je suis effaré de voir qu'il n'y a pas un seul PU de MG suffisamment solide pour devenir un interlocuteur régulier des médias. A force de plier l'échine pour espérer obtenir des strapontins ou un os à ronger, les PUMG sont devenus mous et lâches. Ils n'osent pas prendre le contre-pied des spécialistes. Ils se lancent dans des initiatives médiocres pour peu qu'ils en retirent un peu de prestige (ou de financement). Dans mon département, le PU a fait supprimer les évaluations des enseignements par les étudiants. Il paraît que c'est parce qu'elle trouvait les siennes injustes...

    J'en veux pour preuve récente cette plaquette grotesque et insultante diffusée par l'INPES avec la collaboration du Collège sur les inégalités sociales.

    Côté politique, il y a un choix à faire. Soit l'on espère quelque chose par la négociation, et on négocie. Soit on ne négocie plus et on agit, avec ses propres moyens. Après 20 ans d'activisme, j'ai choisi la deuxième voie. A ton âge, j'étais encore tenté par la première, et à l'époque, il y avait encore de l'argent.

    Un politique ne pense qu'à une échéance de 1 à 3 ans. Tout ce que tu proposeras coûtera pendant 2 à 3 ans avant de rapporter. Or, c'est trop tard pour eux, ils seront partis, donc tu ne les intéresses pas. Tu ne les convaincras jamais.

    Continue ton entrisme et tiens nous au courant de ce qui se trame, mais n'hésite pas à changer de bord quand tu seras certains que la négociation est morte. Continuer à négocier pendant que l'on te sodomise centimètre par centimètre tous les ans, cela peut devenir dangereux. Tu sais que tu es mort quand tu reçois la Légion d'Honneur.

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  4. Continue ton entrisme et tiens nous au courant de ce qui se trame, mais n'hésite pas à changer de bord quand tu seras certains que la négociation est morte. Continuer à négocier pendant que l'on te sodomise centimètre par centimètre tous les ans, cela peut devenir dangereux. Tu sais que tu es mort quand tu reçois la Légion d'Honneur.

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  5. Je partage ta vision positive +++
    et ceci, bien que je sois de la génération de Dominique Dupagne !
    Je trouve notre génération dépitée et négative, et la tienne a hérité de cette attitude démoralisée et démoralisante, dont elle a bien du mal à se défaire.
    Certes, dans ma génération, nous avons accumulé les déceptions. Et avons du mal à nous affranchir de ces déceptions. Cependant, les changements factuels sont nombreux dans le métier, l'évolution de la pratique incessante, et les plus jeunes, s'ils veulent s'y faire, ne pourront pas rester arc-boutés sur les anciens principes.
    Je dirais que ce sont des personnes motivées comme toi qui pourront arriver à faire naître une nouvelle vision partagée, beaucoup plus positive. Il est clair que l'exercice a déja et va encore plus évoluer, que personne ne nous plaint, et que l'attitude de défense passive ne porte pas ses fruits. Apporter une vision positive de l'avenir des médecins est plus que louable. Je ne peux que te conseiller de poursuivre en ce sens, mais aussi à inciter ceux de ta génération à te suivre.

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