mardi 12 février 2013

Mon idéal

"Sur ta peau regarde les veines, ce tempo toute la semaine, je sais. Excité, surexcité, tout te stresse ou tout te blesse, je sais" (Respire, Julien Clerc)

Il a neigé il y a quelques jours.
C'est beau la nature quand elle est recouverte de son manteau blanc.
Et puis, il a beau faire gris dans le ciel, ce blanc renvoie un peu de lumière très appréciable.
J'aimerais m'installer sur un banc, et contempler la nature.
Dans mon monde idéal, j'aurais le temps de faire ça quand je veux, comme je veux.

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.



 "Est-ce qu'on a vraiment tout fait quand on a fait de son mieux ? Qu'est-ce qu'il restera de tout ça, dans un siècle ou deux ?" (Je laisse, Michel Fugain)



Dans la prise en charge de mes patients, j'essaie de faire pour le mieux.
Mais je ne suis qu'un homme "normal" (terme à la mode ces temps-ci) avec des défauts. Je suis sujet à la fatigue, comme tout le monde.
J'essaie de faire preuve d'empathie avec mes patients. Je mets de côté mes problèmes, mon stress et ma fatigue, et suis 100% disponible.
Enfin, ça c'est dans ma conception idéale de ce que je suis et du médecin que j'espère être.
Parce que parfois, je suis fatigué. Parfois, je suis assailli de demandes diverses et variées qui n'ont pas lieu d'être et que se battre pour les refuser est épuisant, alors que tout accepter est renoncer à ses propres valeurs.

Parfois, j'ai envie de tout envoyer promener. Après tout, je suis encore à même de décider ce que je suis en mesure d'accepter ou non.
Parfois, j'essaye de comprendre pourquoi les patients sont aussi insistants (voire parfois vraiment désagréables). Comprendre leurs représentations, leurs motivations.
Ne pas me braquer, même quand ils manquent de courtoisie. Heureusement pour moi, ce n'est pas fréquent.
Mais épuisant.
Alors je fais de mon mieux.Est-ce que seulement j'y arrive ?

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.


"Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leurs pères" (Serment d'Hippocrate)


Dans mon monde idéal, je serais enseignant de médecine générale.
Les patients comprendraient tous que je suis parfois absent pour enseigner et former les médecins qui les soigneront, eux, demain.
Dans mon monde idéal, on arrêterait de considérer la médecine générale comme une sous-spécialité, ou une spécialité de seconde zone. On arrêterait d'ailleurs de parler de généralistes d'un côté et de spécialistes de l'autre puisque tous les médecins seraient spécialistes et chacun dans un domaine différent.
Dans mon monde idéal, il n'y aurait pas de frein à la construction d'une vraie filière universitaire de médecine générale (ou FUMG). Chacun des acteurs de l'université comprenant l'intérêt que nous avons tous à promouvoir une médecine de soins primaires non pas en opposition aux autres, mais bel et bien en collaboration avec tous, au bénéfice unique du patient.
Dans mon monde idéal, il y aurait encore moins de freins à Lille qu'ailleurs.

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.


"Rendez-vous dans un autre monde ou dans une autre vie, quand les nuits seront plus longues plus longues que mes nuits. Et mourir, oh mourir, mais de vivre et d'envie. Rendez-vous quand j'aurai dévoré mes appétits" (Dans un autre monde, Céline Dion)

Oui, l'herbe est plus verte ailleurs.
C'est sûr.
Ce serait idéal.
J'y ai déjà pensé : aller exercer au Québec. Idéalement ce serait même aux Etats-Unis. J'en ai parlé un peu ici
Mais je sais bien que ce serait remplacer certains problèmes par d'autres. Mais vu d'ici, j'ai l'impression que le médecin de médecine familiale (comprenez "médecin généraliste") est plus considéré qu'ici.

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.


"Only human, made of flesh, made of sand, made of human" (Only human, Jason Mraz)

Dans mon monde idéal, je ne serais jamais malade, jamais fatigué, jamais de mauvaise humeur, je n'aurais jamais faim ni soif.
Du coup, je n'aurais jamais besoin de me vider la vessie.
Et pas besoin de la remplir non plus pour éviter les calculs rénaux.
Je serais même Superman, mon idole quand j'étais môme.

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.


"On dirait le sud, le temps dure longtemps. Et la vie sûrement, plus d'un million d'années. Et toujours en été" (Le sud, Nino Ferrer)

Dans mon monde idéal, il ferait toujours beau pendant mes vacances.
Dans mon monde idéal, il n'y aurait pas de tempête prénommée Sandy pour perturber mon séjour à New-York.
Dans mon monde idéal, les patients n'essaieraient pas de me faire culpabiliser d'être "encore" en vacances.
Dans mon monde idéal, le temps passerait lentement pendant les vacances, pour que je puisse prendre le temps de voir grandir et s'épanouir mes enfants en échangeant un regard complice avec ma femme.

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.


"Je m'en irai dormir dans le paradis blanc, où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps tout seul avec le vent. Comme dans mes rêves d'enfant" (Paradis blanc, Michel Berger)

Il faut que j'arrête.
Que j'arrête d'être un idéaliste.

4 commentaires:

  1. Le sud, de Nino Ferrer

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    1. Erreur impardonnable que je viens de corriger.
      Dans mon monde idéal, je ne commettrais jamais d'erreur

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  2. L'Idéal, rangé auprès de la Perfection. A défaut d'être tangibles, puissent-ils être le phare inextinguible qui guident le navire des âmes soignantes sur cette mer changeante, dans la nuit du Doute, de la Douleur et de l'Autre.

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  3. C'est bien dit tout ça. On veut être parfait parce qu'on aime pas décevoir, parce qu'on veut être aimé. Ne recherchons-nous pas trop l'estime de l'autre au risque de nous oublier nous-même bien trop souvent ? Respecter les autres c'est bien, mais est-ce qu'on se respecte soi-même ?

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