dimanche 16 décembre 2012

Le voyageur imprudent

"Pour des histoires que j'aime bien, j'ai parfois pris du retard, mais c'est rien. J'irai jusqu'au bout du chemin et quand ce sera la nuit noire, je serai bien" (Oh! J'cours tout seul, William Sheller)


J'aime bien prendre mon temps.
Quand j'accomplis quelque chose, je me soucie rarement du temps que cela va réellement me prendre.
Il faut que je sois intéressé, voire passionné, et je perds complètement la notion du temps.
Sinon, je vais toujours me dire que cela peut attendre et remettre la chose au lendemain. Bricoler attendra demain par exemple, tellement j'adore cela...

Je peux passer des heures à travailler une partition, par exemple.
Ça ne me dérange pas. Enfin à l'instant t ça ne me dérange pas.
La suite est parfois un peu difficile.
Ma chère et tendre me fera remarquer que j'ai passé beaucoup de temps là-dessus. Temps que, du coup, par ma faute, je n'ai pas passé en famille.
Et elle aura parfaitement raison.

Par contre, si je ne travaille pas cette partition, elle ne se fera pas toute seule. Et la chorale ne pourra pas apprendre un nouveau chant. Du coup, le travail réalisé sera de moins bonne qualité. Et ce sera de ma faute.

Je me retrouve un peu dans la situation d'un de mes livres préférés, Le voyageur imprudent, de René Barjavel : faire cette partition me permet d'assumer ma fonction de chef de choeur, mais m'accapare quelques heures. Ne pas la faire me rend disponible, mais je n'assume plus mes fonctions.

Une échappatoire existe : arrêter cet engagement. Mais, là, c'est mon trépied qui en prend un coup, et je ne peux pas jouer l'équilibriste.

Bref, une situation sans réelle solution...

Heureusement, dans mon métier, c'est complètement différent. Quoique...

J'aime bien, quand je reçois un patient en consultation et que le motif est un peu compliqué, essayer de prendre le temps de penser à tout.
Même si je suis persuadé qu'on ne peut jamais penser à tout, j'aime me dire que j'ai dû faire correctement mon métier en tentant d'aller au bout des choses.
Sauf que, ça me prend, dans ces cas là un peu plus d'un quart d'heure (et que mon planning est rempli avec un rendez-vous tous les quart d'heure).

Alors, dans une journée "normale" les patients se compensent un peu : on passe un peu plus de temps avec un patient qui présente plusieurs pathologies, et un peu moins avec celui qui a une simple infection virale.

Dernièrement, mes patients ont eu une fâcheuse tendance à ne pas se compenser...
Du coup, je suis en retard. Régulièrement.
Je ne compte plus les fois où les patients me font des réflexions. Parfois, je les prends en souriant. Parfois, je ne réagis pas. Parfois, plus rarement, essentiellement quand je suis fatigué, je m'énerve et je remets les patients en place... voire leur propose de changer de médecin.

Je ne sais pas comment font les confrères qui arrivent à être toujours à l'heure. J'aimerais bien être à l'heure. Cela serait synonyme d'être à l'heure pour rentrer le soir chez moi aussi... J'aimerais bien. Je n'y arrive pas.

Car si je me fixe comme objectif d'être à l'heure, je vais devoir aller un peu moins au fond des choses. Et je ne serai pas satisfait. Je n'aurai pas l'impression de bien faire mon travail.
Mais si je le fais bien (ou ai l'impression de bien le faire) je risque le retard à coup sûr.

Voyageur imprudent

Il y aurait bien une solution. Alléger mon planning de rendez-vous. Recevoir moins de patients, mais plus longtemps.
J'essaye déjà de laisser quelques quarts d'heure vides dans mon planning, en prévision d'un retard à compenser.
Mais avec cette absurdité du paiement à l'acte actuel, je ne peux pas multiplier ces plages vides, cela serait synonyme de dépôt de bilan pour mon activité libérale...
J'ai espoir que ce point puisse changer... un jour... restons optimiste... Un peu plus de forfait, un peu moins de paiement à l'acte.

"These wounds won't seem to heal, this pain is just real, there's just so much that time cannot erase" (My immortal, Evanescence)

Comment réussir à concilier le tout ?
Comment satisfaire à tout, tout le monde, tout le temps ?

Je ne suis pas là pour plaire, mais pour soigner.
Facile à dire.
Ce soir il m'est plus difficile de l'entendre, et encore plus de me l'appliquer.

Etre hyperactif est trop synonyme d'obligation de performance parfois.

"Lucie, Lucie dépêche-toi, on ne vit, on ne meurt qu'une fois" (Lucie, Pascal Obispo)


J'aimerais prendre mon temps pour ça aussi.
Mais là, pour le coup, je sais que la partie est perdue d'avance, même si j'espère que la partie sera longue.
Là, je veux bien être en retard. Très en retard même.

4 commentaires:

  1. En fait ça me rassure que tu ressentes ça aussi.
    Parce que je finissais par me dire que tu avais la recette de la potion d'ubiquité, ou que tu avais trouvé le retourneur de temps d'Hermione, et que tu gardais le secret pour toi.
    Pour le boulot, le bon principe d'expliquer aux patients qu'ils n'ont pas besoin de venir pour des broutilles amplifie le problème. Du coup ils viennent pour des vrais trucs, et ça prend encore plus de temps. Et je croise les doigts comme toi pour qu'un jour on sorte de ce stupide paiement à l'acte exclusif.
    Pour le reste, comme tu dis, c'est une question d'équilibre.

    Et pour honorer les chansons kitch de ton iPhone, une petite citation concernant le temps qui court...
    http://www.dailymotion.com/video/x1vfn1_le-temps-qui-court-alliage_music

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  2. Je me fais doucement à l'idée d'être plus tard un "docteur en retard"... ça me rassure de voir qu'il n'y a pas que moi. Ou ça m'inquiète, je sais pas. Le jour où tu trouves la recette anti "Je vis 10 vies en même temps et c'est mon choix", tu penses à moi, hein?

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  3. on entre en resonance +++ sur ce theme

    Boulimique d'activités, j'ai moi aussi du mal a faire des choix ou a renoncer a des choses.

    Mais le piege c'est de tenter de tout comprimer dans l'agenda a coup de TODO lists et de planning etriqué, dans ces cas la c'est pire que mieux : frustration et mauvaise humeur assurées.

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  4. Bonjour,
    Suite à votre blog je me permet de vous contacter car nous recherchons des témoignages pour une prochaine émission Toute une Histoire sur France 2 sur le thème:
    COUP DE FOUDRE A L'HOPITAL

    - Vous avez vécu un coup de foudre inoubliable dans un hôpital
    - Alors que vous étiez hospitalisé(e), vous avez craqué pour un autre patient ou pour un membre du personnel soignant
    - L’un de vos proches était hospitalisé et en lui rendant visite, vous avez rencontré l’amour
    - Vous travaillez dans un hôpital et vous avez craqué pour un collègue, un supérieur ou un patient
    - Vous êtes secrètement amoureux/se d’une personne que vous avez rencontrée dans un hôpital, mais vous ne lui avez pas encore déclaré votre flamme


    Si vous souhaitez nous faire partager votre histoire, contactez DAVINA au 01 53 84 33 61 ou par mail à ddabysing@reservoir-prod.fr

    Merci.

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